JUSTICE

Au TC de Bobigny, « les ralentissements des années covid sont désormais terminés »

Au TC de Bobigny, « les ralentissements des années covid sont désormais terminés »
Publié le 21/02/2024 à 11:36

À l’occasion de l’audience solennelle de rentrée du tribunal, son président Claude Dufaur a par ailleurs assuré que les détections d’entreprises en difficulté menées par les juges de la prévention seraient renforcées en 2024, et a souligné que le tribunal était, à ce titre, « une aide et non un fossoyeur ».

« Nous demandons à être installés dans les fonctions qui nous ont été confiées par les électeurs consulaires. » C’est par cette demande formelle des sept nouveaux juges consulaires élus au sein du tribunal de commerce de Bobigny qu’a débuté l’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Bobigny, le 24 janvier dernier, devant son président Claude Dufaur.

Celui qui a été installé un an auparavant, succédant à Françis Griveau parti en retraite, a ainsi profité de cette occasion pour remercier les sept juges sortants qui ont « fait avancer la juridiction », dont il a dressé le bilan pour l’année 2023.

Une activité d’avant la période covid retrouvée

Pour débuter son discours, le président a fait part d’une nouvelle encourageante : « les ralentissements qu’a connu le TC de Bobigny durant les années covid sont désormais terminés », en témoignent les chiffres de 2023.

Au niveau du contentieux, « socle du tribunal », l’année écoulée enregistre un bond de plus de 20 % du nombre de décisions rendues au fond et de près de 12 % en référé, avec un total respectif de 2 848 et 563 décisions. Des chiffres qui dépassent même ceux de l’année 2019 avant la crise sanitaire : « nous sommes maintenant sur des procédures normales » a assuré Claude Dufaur.

Et si le TC de Bobigny enregistre une baisse de 30 % du nombre de litiges concernant les réclamations du transport aérien du fait d’annulation des vols « avec une tendance importante des parties à transiger », il a en revanche constaté une « montée en puissance des dossiers relatifs aux demandes de remboursement des PGE », a indiqué le président, avec une trentaine de jugements actuels pour un montant de réclamation de 2,5 milliards d’euros.

Pour ce qui est des injonctions de payer, 10 731 ordonnances ont été rendues en 2023 et ont octroyé plus de 31 milliards d’euros, « des chiffres nettement supérieurs à ceux de 2019, année de référence pour laquelle nous avions signé 8 985 ordonnances » a illustré le président.

Par ailleurs, pour Claude Dufaur, « la qualité des jugements se mesure par le taux d’infirmations en appel ». En 2023, au fond, ce taux s’élève à 1,04 %, avec des délais moyens entre la première audience et la mise à disposition du jugement d’environ 158 jours, contre 174 en 2022 et 182 en 2019.

Des défaillances d’entreprises « loin du tsunami annoncé »

Côté entreprises, le nombre de faillites a été fort en 2023, a pointé le président du TC, en particulier dans les secteurs du BTP (avec une hausse de 30 %), des transports routiers (+25 %) et de l’hébergement/restauration (+20 %), dû notamment à la hausse des taux d’intérêts et à l’inflation.

Ce, « sans pour autant assister à une vague de défaillances d’entreprises : nous sommes pour l’instant loin du tsunami annoncé » a estimé Claude Dufaur. L’année passée, la juridiction a rendu 65 949 décisions de justice contre 44 213 en 2022, un accroissement toutefois « important » qui rejoint a peu près celui de 2018 (68 744).

Mais Claude Dufaur l’a réaffirmé : « le département de Seine Saint-Denis est l’un des départements les plus dynamiques de France », et ce malgré l’économie souterraine (trafic et circulation d’espèces) évoquée plus tôt par le procureur de la République auprès du tribunal de Bobigny Éric Mathais, également présent. En effet, la Seine Saint-Denis compte 172 643 entreprises et un solde net d’immatriculations au Registre du commerce et des sociétés (RCS) pour l’année écoulée de 22 249, en légère baisse néanmoins par rapport à 2022.

A noter que le délai d’immatriculation en France est le plus rapide d’Europe, mais a été ralenti depuis la mise en place du guichet unique, bien que renforcé par une procédure de secours. À Bobigny, pour l’année 2023, seulement 2 226 formalités ont ainsi pu être traitées avec le guichet unique, contre 27 837 par Infogreffe. « Il est à craindre, comme le rapporte la Cour des comptes dans un rapport, a averti Claude Dufaur, que les conséquences d’une réforme insuffisamment préparée pourrait se faire sentir encore plusieurs années sans avoir apporté aux entreprises une simplification. »

Par ailleurs, le RCS a permis de dénombrer les dépôts de comptes annuels des entreprises en baisse pour sa part, avec 32 336 comptes déposés en 2023 contre 44 901 en 2022, « soit un déficit de 12 500 comptes » a déploré le président, et ce malgré les relances et injonctions. « Il convient donc pour 2024 de renforcer l’action avec le parquet pour inciter les entreprises à déposer leurs comptes » a-t-il exposé, avant de préciser que « 67 % des entreprises ayant fait l’objet d’une procédure collective n’ont pas déposé leurs comptes annuels ».

Les procédures collectives en hausse de 43 % en 2023

Sur le sujet de la prévention des entreprises en difficulté, le président du TC de Bobigny a tenu à rappeler aux sociétés que le tribunal était « une aide et non un fossoyeur ». En 2023, 641 détections ont d’ailleurs été menées dans des entreprises par les juges de la prévention, contre 337 en 2022. Des entretiens qui ont donné lieu à plus de 400 dossiers classés sans suite.

Et le président du TC entend bien améliorer les moyens de détection des entreprises en difficulté. Pour Claude Dufaur, « il est important pour mener à bien ces détections d’obtenir des éléments d’alerte sur l’état des entreprises », c’est pourquoi le président appelle à renforcer la collaboration avec des organismes tels que la Banque de France, l’URSSAF ou encore la DGFIP, avec laquelle le TC a signé une convention de collaboration le 17 mars 2023 en matière de prévention des difficultés des entreprises, a rappelé le président.

En outre, avec 1 876 jugements d’ouvertures de procédures collectives dont 242 en redressement judiciaire, et 16 ouvertures de sauvegarde, 2023 affiche une augmentation de 43 % par rapport à 2022, a indiqué le président, précisant néanmoins que le volume de 2019 n’a pas été atteint.

Le volume des assignations a lui aussi très « fortement augmenté en 2023 », avec 1 055 l’année passée contre 470 en 2022, principalement des assignations de l’URSSAF, laissant présager, selon le président du TC « un accroissement significatif des ouvertures des procédures collectives en 2024 » de l’ordre de plus de 50 %.

Alors pour rendre encore plus efficace le traitement des dossiers de procédures collectives, une présence du ministère public dans toutes les audiences y étant relatives a été décidée par Éric Mathais et la procureure adjointe Isabelle Minguet.

Des collaborations au profit de la juridiction

Le président du TC n’a pas manqué de mettre en évidence la collaboration entretenue avec d’autres juridictions, ayant par exemple permis la mise en place de la permanence hebdomadaire du tribunal qui s’avère être un « succès », et celle entre le TC, le GPA, l’APESA, le CIP et la CCI 93 qui a de son côté permis de mener des actions dans le cadre de la formation de nouveaux entrepreneurs.

Les problèmes psychologiques des chefs d’entreprise en difficulté ont d’ailleurs été pris en compte par l’APESA 93 dans trois fois plus de dossiers l’année dernière au regard de 2022, a révélé Claude Dufaur, avant d’ajouter que les actions de l’antenne 93 du groupement de prévention agréé-IDF (GPA) initié en 2023 se poursuivrait en 2024.

La collaboration entre le tribunal et les écoles s’est également confirmée en 2023 et va se poursuivre, a assuré le président. En tant que centre de formation de l’ENM, le tribunal a continué ses actions dans le cadre de la formation continue de nouveaux juges, et a pu organiser pour la deuxième année un colloque en soutien aux entreprises et entrepreneures dans le cadre de la Nuit du Droit avec l’université Sorbonne Paris Nord, projet qui sera reconduit en fin d’année 2024.

En outre, pour l’année en cours, Claude Dufaur a indiqué vouloir de nouveau compter sur la participation de l’ordre des experts-comptables d’Île-de-France pour continuer de lutter contre l’exercice illégal de la profession « comme cela a été le cas les années précédentes ».

Des remerciements ont également été destinés à la conférence des juges consulaires de France dans leur action de représentation auprès de la Chancellerie sur le sujet de la création des tribunaux des activités économiques (TAE). Mais « il appartient aux juges de réussir la phase d’expérimentation à venir pour voir les TAE étendus à tous les tribunaux de commerce », celui de Bobigny étant candidat « du fait de sa compétence dans l’est parisien » a annoncé Claude Dufaur.

Allison Vaslin

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